Les jardins d'Hélène

Ouessantines – Patrick Weber (scénario), Nicoby (dessin)

26 Octobre 2013, 15:39pm

Publié par Laure

Après une séparation, Soizic veut changer de vie en ouvrant des chambres d’hôtes sur l’île d’Ouessant (justement nommées « le rêve de Soizic »), ce qui n’est pas du goût de sa mère : « contre l’idée d’aller [s]’enterrer sur une île au bout du monde pour faire un métier inintéressant, au service de clients désagréables et entourée de voisins arriérés » (p.4)

Ouessant, ça se mérite, et Soizic peine à se faire accepter des habitants, et surtout des femmes, les « Ouessantines » du titre. Les vieilles du village sont hostiles face à cette étrangère. Seule la vieille Marie sympathise avec elle. Quelques jours après, Marie se suicide. Quel secret cachait-elle et pourquoi a-t-elle confié à Soizic la responsabilité de vider sa maison ? Soizic va enquêter pour découvrir le secret de Marie…

Hélas quelque chose pêche au niveau du scénario, la réponse est assez peu crédible dans sa résolution, et la fin est banale et rapide, ce qui est dommage car l’histoire commençait vraiment bien. Côté dessin, j’ai eu un peu de mal avec les visages des personnages, surtout ceux des vieilles qui ont des traits très masculins.

Un dossier documentaire clôt l’album en expliquant un peu l’histoire et les traditions de l’île.

 

Vents d’Ouest, mai 2013, 126 pages, prix : 18,25 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Nicoby et éd. Vents d’Ouest

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C’est l’histoire d’une petite fille, d’un chapeau et de Camille…

10 Octobre 2013, 09:26am

Publié par Laure

Mercredi après-midi à la bibliothèque. Une petite fille furète dans les albums pendant que sa mère la surveille du coin de l’œil un peu plus loin, un magazine à la main. Scène des plus banales s’il en est.

La fillette qui doit avoir 4 ou 5 ans vient vers moi :

- tu peux me prêter le livre de l’école ?

[Elle a dit « prêter », elle a tout compris, c’est assez rare à son âge]. Je lance un œil interrogateur à sa mère, qui me répond de même, aucune idée de ce qu’est « le livre de l’école ». Je m’adresse à la petite fille :

- C’est un livre que la maîtresse a lu en classe ou c’est un livre qu’on a lu ici à la bibliothèque avec la classe ?

- ici à la bibliothèque

[On avance dans la quête]. Ah mais c’était l’année dernière alors [Je n’ai pas encore eu de maternelles cette année, là c’est plutôt divers projets collège]. La fillette me dit « non, non cette année ».

- comment elle s’appelle ta maîtresse ?

- Nathalie

Je m’adresse à la mère : oui Nathalie vient bien avec sa classe, mais elle n’est pas encore venue cette année, ce sera plus tard dans l’année scolaire, c’était donc l’an dernier. (Avait-elle déjà Nathalie l’an dernier ? avec les doubles niveaux c’est possible). La maman me dit de ne pas m’en faire, sans titre ou auteur c’est impossible, elle en est bien consciente. Je sens que la notion de temps, c’est pas ça, je change de tactique. Je demande à la petite fille :

- et tu te souviens de ce qu’il y a dans cette histoire ?

- euh non… si, il cherche son chapeau…

- ah ben oui, je l’ai ton livre !

Je vais le chercher sur mon étagère animation et le lui tends. Son visage s’illumine littéralement.

- oui !!! C’est lui !!! Merci !!!

 

Là je sens le regard aussi surpris qu’admiratif de la mère, qui ne tarde pas à me dire : « alors là, bravo, je vous félicite, je n’aurais pas cru cela possible ». Je lui réponds que sa fille m’a donné le bon indice, que ce livre est génial (je lui dis en quelques mots pourquoi mais qu’elle le découvrira en le lisant), et on commence à discuter de l’intérêt des accueils de classe, de notre démotivation (à les penser souvent vains tant on mesure la baisse affolante du « niveau » et les problématiques sociétales) et que sa petite fille a illuminé ma journée.

La petite est allé poser Je veux mon chapeau de Jon Klassen sur la pile de ce qu’elle avait déjà choisi, et revient me voir :

- tu as des Camille ?

La maman me regarde avec un brin d’excuse et d’interrogation dans le regard… (Y a pas de raison)

J’ai une demi seconde d’hésitation.

- des Camille, oui, j’en ai, je vais regarder sur l’ordinateur s’il y en a ou si d’autres enfants les ont déjà empruntés. Tu as de la chance, j’ai Camille lit une histoire.

Je le cherche, le trouve et le lui tends. Son visage s’éclaire à nouveau. Et elle commence à me raconter une autre histoire de Camille que la maîtresse a lu l’école. Sa mère me dit que ce n’est pas possible, je suis une fée magicienne ?

 

 

Euh non, il se trouvait juste que les 4 bons ingrédients étaient réunis :

- une enseignante qui lit de bons albums à ses élèves et les amène à la bibliothèque

- une bibliothécaire qui lit de bons albums aux élèves qu’elle reçoit avec leur classe

- une maman qui lit des histoires à son enfant le soir et qui l’amène à la bibliothèque (et peut-être aussi à la librairie pour en acheter ça je l’ignore mais j’ai envie de le croire)

- une petite fille qui a tout compris au bonheur des livres.

 

Alors que nous passons de plus en plus de temps à gérer des cas pénibles, désagréables et décourageants, cette petite fille nous a réconfortés dans l’idée que notre métier a encore un sens. Merci à elle !

 

(et dans l’histoire comme ce n’est pas moi qui ai fait le prêt mais une de mes bénévoles, je ne sais même pas son prénom)

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Billie - Anna Gavalda

10 Octobre 2013, 06:21am

Publié par Laure

La première critique que j’ai lue de ce roman, c’était celle de l’Obs qui titrait « Mauvais, c’est tout » et qui avait tout de convaincant dans son argumentation. La seconde, c’était celle – tout aussi négative – de Joachim, un libraire que je ne connais pas mais dont j’apprécie les critiques sur le net, qui pour moi sont « fiables ». Ça commençait donc mal.

 

Billie, c’est l’histoire de deux paumés de la vie qui vont s’aimer très fort malgré tous les barrages semés sur leur chemin. Franck et Billie, en hommage au Frank et Billy de Laurie Colwin. (Restez en à Laurie Colwin !)

Moi qui aimais tant les premiers écrits de Gavalda, quelle déception ! Une histoire très mince (avec une fin qui rachète un peu l’ensemble en lui donnant enfin un sens, mais quand même…) et surtout, un style absolument insupportable. De l’argot, du vulgaire, du familier, de l’oralité si travaillée qu’elle paraît artificiellement créée, et ça devient vite pénible. J’ai eu envie d’abandonner un peu avant la moitié, et puis je me suis forcée (quand même, c’est Gavalda, celle que j’aimais tant...), je n’aurais pas dû, cela n’a fait qu’accroitre mon agacement.  L’âne de la couverture qui a fait le buzz sur le net avant même la sortie du livre a bien un sens (et une existence) dans la fin du roman, mais faut-il en supporter du vide avant d’y arriver. A croire que l’auteur a cherché à écrire le roman le plus vulgaire de l’année (c’est réussi), en tentant de nous faire croire que tel est bien le langage du quart-monde qu’elle imagine.

Je n’ai qu’un profond soupir sur cet exercice de style forcé, et quand dans la foulée j’ai ouvert le dernier Zeniter, j’ai respiré d’allégresse. À trop s’écarter de sa voie, on tombe. A comprendre dans les deux sens : l’exercice voulu par Gavalda qui a radicalement changé de style, et la déception du lecteur qui se force à lire un trop mauvais livre.

 

p. 50 (en numérique) : « Quand t’en as trop marre de mes histoires, tu m’envoies un kit avec une civière et deux jolis garçons pour ressusciter mon Francky et je te lâche la grappe direct, promis.

(Hé, te fatigue pas… Choure-les chez Abercrombie, comme ça ils seront déjà montés.) »

[je doute qu’Abercrombie soit une référence des sans-le-sou non parisiens]

 

p. 74 : « Notre public nous sembla acquis et ensuite, nous fi… nous fu… merde, attends, je me repermute en v.f., sinon je vais trop misérer, et ensuite nous avons simplement redit ce que nous savions absolument par cœur à force de l’avoir rabâché encore et encore dans la petite salle à manger mortuaire de Claudine »

[oui Musset avec On ne badine pas avec l’amour tient une place importante dans l’histoire, un peu trop collé là pour ajouter du liant]

p. 137 : « Qu’est-ce que j’avais fait, moi, en quatre ans ?

Rien.

Taillé des pipes et trié des patates…

J’étais décalquée de tristesse. »

[Sauf qu’après 137 pages de ce registre, le lecteur est déjà essoré, n’en jetez-plus.]

 

p. 180 : « Entre M. Biendégagé et moi, ça commençait déjà à sentir un peu la merde.

J’aimais pas comment il parlait à sa femme (comme à une conne) et j’aimais pas comment il parlait à ses enfants (comme à des cons). (Dès que je m’énerve, je lourde les négations, vous avez remarqué ?) (Chassez le naturel et, direct, y a les Morilles qui refoulent à mon goulot.) (Direct.) (Hélas.)

Il n’arrêtait pas de flairer Franck parce qu’il commençait à se douter que c’était un homme oh, comme ils disent et ça me mettait dans un état de nerfs pas possible. Cette façon qu’il avait de lui flairer le cul comme si c’était un chien, ça me débectait ».

 

Le Dilettante, octobre 2013, 224 pages, prix : 15 € (4,99 € en numérique)

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Photo de Jean-Louis Klein et Marie-Luce Hubert / Biosphoto et Ed. Le Dilettante

 

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