Les jardins d'Hélène

Sukkwan Island - David Vann

29 Avril 2010, 15:10pm

Publié par Laure

Traduit de l’américain par Laura Derakinski

 

sukkwan-island.jpgIl n’est plus guère utile de présenter ce livre tant il a fait parler de lui à sa sortie en janvier 2010, et quand je l’ai abordé, je savais à peu près ce qu’on en disait partout : inoubliable, bouleversant, noir, dérangeant, un renversement de situation vers le milieu du livre, incroyable, le truc qui fait dire que c’est un grand roman. Voilà ce que j’en avais entendu.

 

C’est donc (on va faire bref) l’histoire d’un père (Jim) qui emmène son fils de 13 ans (Roy) sur une petite île au Sud de l’Alaska (Sukkwan Island, donc), pour y faire un break loin de toute agitation, réapprendre à se connaître l’un l’autre (divorcé, Jim ne voit plus guère son fils), et vivre simplement au plus près de la nature. Une fois déposés par un hydravion avec quelques vivres de base, c’est parti pour l’aventure de nos deux Robinson sur leur île.

 

On suit donc leurs péripéties quotidiennes : chasser et pêcher pour se nourrir, construire un fumoir et une réserve pour l’hiver, stocker du bois pour le feu, etc. Dieu que c’est long et barbant. La chasse et la pêche, ça va bien cinq minutes, mais je commençais à m’ennuyer ferme. Je commençais même à me demander si je n’avais pas loupé le renversement extraordinaire tant annoncé, parce que j’avais atteint la moitié du livre et rien vu d’exceptionnel sinon un père paumé, qui n’a pas vraiment préparé son truc, et qui serait plutôt dépressif sévère. J’ai hésité à abandonner mais quand même, il fallait que je le trouve, le point renversant de cette deuxième partie. Effectivement on ne peut pas le louper : soyez prévenus, il se produit page 113, tenez au moins jusque là. A partir de là, oui c’est logique, ça tient la route, une route qui s’assombrit et qui devient parfois pénible à lire (cette fois dans ses descriptions horribles) mais voilà, je ne peux pas crier au chef-d’œuvre parce que ce que j’en retiens surtout, c’est l’ennui préalable, la longueur répétitive de la première partie, et puis finalement, on se doute bien que ça ne peut finir que comme cela, une deuxième partie dans la logique des choses. Est-ce si extraordinaire que cela, si dérangeant que cela?

Les avis sont partagés sur ce roman (entre la grande majorité qui a beaucoup aimé, et ceux qui n'ont pas aimé, soit parce qu'ils l'ont trouvé trop glauque, soit parce qu'ils se sont ennuyés), et je fais de toute évidence partie de ceux qui n’en resteront pas si marqués que cela !

 

Ed. Gallmeister, coll. Nature writing, 191 pages, prix: 21,70 €

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Crédit photo couverture : © Bill Curtsinger / National Geographic / Gettyimages / et éd. Gallmeister

 

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Tes seins tombent - Susie Morgenstern

27 Avril 2010, 10:18am

Publié par Laure

tes-seins-tombent.jpgSusie Morgenstern remplit son rôle de grand-mère : elle « grandmerde » avec sa petite fille Yona, 13 ans, qu’elle emmène en vacances en Corse, à Cargese où elle va chaque année. L’adolescente a des priorités bien éloignées de celles de sa grand-mère : quand celle-ci lit un roman par jour pendant les vacances, la plus jeune, elle, ne cesse de « communiquer » via son portable et ses SMS en pagaille.

Monologue autour d’une tranche de vie, sur la relation grand-mère et petite-fille, écart des générations, et pourtant échanges si importants et si riches ! L’auteur revient également sur sa propre grand-mère, parle de ses enfants, de sa passion de lire, de ses rencontres dans les salons du livre, humour autour des rencontres sur Internet (veuve, ses amis l’ont inscrite sur un site de rencontres, et parce qu’un jour elle a rencontré un Suisse très poli dans un salon, elle choisit de ne s’intéresser qu’aux Suisses sur le net !), …

Elle est très excitée aussi à l’idée de faire rencontrer le génie scientifique Stephen Hawking à sa petite-fille, elle qui a l’habitude de rencontrer des stars au hasard de ses déplacements : Gina Lollobrigida, Rostropovitch, Bernard Kouchner… et quand ses enfants lui demandent si elle connaît des gens célèbres, elle répond : « Bernard Friot, Catherine Louis, Marie-Aude Murail, Hélène Vignal, Jacqueline Duhême, François Place, Corinne Lovera-Vitali, Pierre Bottero, Jeanne Benameur, et plus la liste s’allonge, plus s’allongent leurs visages ou leurs … belles jambes. » 

Roman tendre qui ne manque pas de justesse sur le temps qui passe et les marques sur le corps (« tes seins tombent ! » s’exclame d’emblée sa petite-fille), sur l’importance de la famille et de l’amitié, sur la fougue de la jeunesse, sur ce qu’on retient de sa vie quand on est une grand-mère active, bien dans sa tête et dans sa peau, comme l’est ici Susie Morgenstern !

Actes Sud junior, coll. D’une seule voix, avril 2010, 83 pages, prix : 7,80 €

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Crédit photo couverture : éd. Actes Sud junior

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La ligne de sang - DOA

26 Avril 2010, 20:35pm

Publié par Laure

ligne-de-sang.jpgMadeleine Castinel n’en peut plus de son amant, Paul Grieux, trop souvent alcoolisé,  violent et exigeant avec elle, squattant un peu trop son appart’ à son goût. Elle préfère rompre et lui demande de lui rendre ses clés. C’est semble-t-il en sortant de chez elle que Marc Grieux a un accident de moto et sombre dans le coma. Priscille Mer et Marc Launay, du SRPJ de Lyon, vont enquêter sur ce qui n’est en apparence qu’un banal accident de la route, doublé quand même d’une étrange disparition, car Madeleine reste introuvable.

Et puis peu à peu, on bascule dans l’enfer. Un monde sombre de magie noire, d’occultisme, de pédophilie, de violence extrême, un monde dont il est souvent difficile de cerner les limites entre hallucinations ou fantastique. L’intrigue est très prenante, on est complètement happé par le récit (j’ai avalé les 650 pages en moins de 48h), et plus on approche de la fin, plus cela devient carrément flippant. A ne pas lire le soir juste avant de s’endormir !

Mieux vaut prévenir les âmes sensibles, certains passages sont vraiment insoutenables. Pour autant, ils ne sont pas gratuits, ils tiennent totalement aux personnages mais l’horreur à peine dicible découverte par les deux policiers est difficilement supportable.

C’est un roman que j’ai découvert grâce au partenariat Blog-O-Book et Folio policier, et pour ma première participation, c’est une réussite, je suis très tentée d’aller jeter un œil aux autres romans de DOA ! Il faut dire qu’avec un tel pseudonyme (DOA signifie Death on arrival), on pouvait en effet s’attendre à une telle noirceur humaine. Mais quand elle est au service d’une intrigue très maîtrisée (et bien documentée), on en redemanderait presque…

 

Folio policier, mars 2010, nouvelle édition revue par l’auteur, 644 pages, prix : 8,20 €

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Crédit photo couverture : © Zir / Signatures et éd. Gallimard

 

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Mille et une raisons

25 Avril 2010, 20:16pm

Publié par Laure

On a toujours mille et une bonnes raisons de prendre le large… un départ en vacances, un trop plein de quotidien, l’appel de nouveaux horizons…

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Au bord de l’océan, là tout près, à l’auberge des mille vents (et non, ce n’est pas le plateau de Millevaches, ça aurait pu, mais là tout de suite je préfère l’océan), emporter une vieille boîte de Pandore, aux pages oubliées, à l’encre délavée, aux mille et un mails effrités,

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(non c'est pas moi c'est ma grandinette)

 

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Sur le chemin des souvenirs, toujours quelques miles d’avance.

J’sais plus si je rêve encore si mes songes même sont morts

Un jour je prendrai le large, j’habiterai avec les poissons

Juste avant, entrouvrir le couvercle, une vieille histoire de fond de tiroir, une lettre rose, et au moins un millier de feuilles cornées,

 

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(lettre d'Anna Gavalda, clic pour zoomer, si vous zoomez sur son adresse, tss c'est celle du Dilettante !)

 

Côté lecture, plutôt que les deux mille pages du trop long Millénium, emporter juste un Pléiade, peut-être celui des Mille et Une nuits,

Quand on vous voit, on vous aime,

Quand on vous aime, où vous voit-on ?

(Yves Simon, Mille et Une nuits, in intempestives)

Grapiller des myrtilles (par millier ?), sourire aux mille et un passants, avoir mis dans le mille

 

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(terrain de tir à l'arc, St Martin en Ré)

Allez, arrêtez de vous demander si je suis neurasthénique ou trop romantique, ou pathétique ou fragilistique, c’est juste une énième fantaisie pour le 1000 ème billet de ce blog, ouvrant tout naturellement l’écran au mille et unième, très vite. 

 

Date de création :

17/02/2006

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Articles publiés (999)

1000 donc, à présent (peux pas faire un copié-collé du bon chiffre tant que l'article n'est pas publié ! )

Edit post publication :

(beurk c'est moche ce truc)

Je vous offre une photo de Mosquito sur son âne pour l’occasion 

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Nota : toutes les photos de ce billet ont été prises à l'île de Ré la semaine dernière, sauf la lettre d'Anna Gavalda, qui est datée du 07 août 2000. Toutes sont cliquables pour les voir en plus grand.

 

 

 

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Le voisin - Tatiana de Rosnay

25 Avril 2010, 16:21pm

Publié par Laure

le-voisin.jpgColombe Barou emménage dans un nouvel appartement avec ses jumeaux adolescents, et son mari Stéphane, souvent absent pour son travail. Colombe mène une vie ordinaire, elle travaille dans une maison d’édition en tant que nègre (ghost writer), ainsi elle écrit des mémoires de stars et autres biographies mais son propre nom n’apparaît jamais.  Une femme de l’ombre, discrète.

Alors qu’elle pense avoir trouvé un nouveau cocon paisible pour abriter sa famille, Colombe est réveillée toutes les nuits, à 3h pile du matin, par la musique rock que met à fond son voisin du dessus… Pourtant, quand elle tente d’en savoir plus sur cet inconnu qui perturbe ses nuits, tous les habitants de l’immeuble sont unanimes et ne tarissent pas d’éloges à l’égard de Léonard Faucleroy, médecin reconnu, divorcé solitaire sans histoire,  tellement dévoué à son travail qu’on le voit à peine dans l’immeuble.

Et effet, Léonard Faucleroy est physiquement absent du roman quasi tout le temps, mais quelle omniprésence dans la vie de Colombe ! Elle en perd le sommeil et la joie de vivre, ne vit plus que dans l’ombre d’elle-même, toujours à deux doigts de la panique .

Tatiana a l’art de nous embarquer dans un thriller de plus en plus angoissant, où l’on ne cesse de se demander si son voisin du dessus est un vrai fou dangereux ou si c’est cette pauvre Colombe qui perd les pédales … l’ambiance est réellement stressante, j’avoue, sur la fin il m’a fallu faire une pause, la tension montait autant que l’envie de connaître le dénouement, mais ça devenait vraiment flippant !

J’ai passé un très bon moment avec ce roman !

Les changements qui en résulteront dans la vie de Colombe passent peut-être par des raccourcis un peu rapides (sans dévoiler l’histoire, tout ce qui est lié au couple qu’elle forme avec Stéphane), qui auraient mérité d’être davantage développés, mais Léonard prend toute la place, et c’est ce qui fait le cœur de l’intrigue !

On ne sera pas étonné de quelques éléments surprenants tels que les sauvegardes informatiques sur disquette (on peine réellement en 2010 à trouver des ordinateurs encore capables de lire des disquettes) ou les allusions aux lires italiennes et autres deutsche Mark, car ce roman a été publié pour la première fois en 2000 chez Plon. Epuisé depuis plus de 5 ans, il a été réédité par la maison d’édition désormais « historique » de Tatiana, Héloïse d’Ormesson.

Merci à toi Tatiana ! , et félicitations pour ce succès - mérité- qu'on n'arrête plus !

 

Ed. Héloïse d’Ormesson, avril 2010, 235 pages, prix : 18 €

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Crédit photo couverture : © Gary Issac / Photonica / Getty Images / et éd. EHO

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Myrtille - Hugo Lamarck

24 Avril 2010, 21:12pm

Publié par Laure

myrtille.jpgEtonnant petit roman, court, mais si séduisant !

Myrtille, la trentaine, est une jeune femme un peu espiègle, qui aime se promener au Parc Monceau, où elle rencontre un curieux personnage caché derrière un masque d’oiseau, et qui fait parier les passants sur l’envol de son couple d’inséparables, homme masqué qui ne cessera de l’intriguer. Myrtille aime Angelo mais ne veut pas se donner à lui… Myrtille s’interroge sur un livre mystérieux signé Thomas Déquatre...

Surprenant, charmeur, drôle et fantaisiste, ce roman est à l’image de ces petites baies sauvages sucrées et acidulées, une gourmandise qu’on savoure le sourire aux lèvres du début à la fin. C’est doucement fantasque et malicieux, un brin poétique, et assurément réussi : Myrtille pioche dans sa boîte à mots comme l’auteur joue lui aussi avec les phrases sans que jamais ce soit lourd ou artificiel, non, juste pétillant et délicieux ! Rempli de clins d’œil que saisiront les amoureux des livres et de l’écriture, c’est un serpent qui se mord la queue bouclant joliment la boucle : comme Myrtille et son livre, vous aurez envie de passer ce Myrtille à vos amis et à vos voisins !

« si ce livre est arrivé jusqu’à toi et toi jusqu’à moi ce n’est pas le fruit du hasard. Myrtille »

 sur la page de l'éditeur : clic !

Galaade éditions, avril 2010, 150 pages, prix : 12,90 €

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Crédit photo couverture : Mathilde Sébastien, Illustration : © Lorgan / Getty Images pour les éditions Galaade.

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Le chat perdu – Constance A.

15 Avril 2010, 19:29pm

Publié par Laure

Dans cette maison, il y a des livres qui traînent absolument partout : de chaque côté du clavier de l’ordi, sur le buffet de la cuisine, sur les tables, sur les accoudoirs du canapé, sous les lits des filles, sur la poubelle des recyclables (n’y cherchez pas malice, c’est juste qu’on manque vraiment de place dans cette maison), partout, ah non, sauf aux toilettes et à la salle-de-bain, lieux accessoires où l’on va pour des choses pratiques et rapides, enfin chez nous c’est comme ça, chez vous, faites comme vous l'entendez.

Quand dans un tel capharnaüm il m’arrive de déplacer une ou deux piles de livres (quand j’ai vraiment trop de retard à la bibliothèque, quand je me fais engueuler par une attachée de presse, quand j’ai perdu l’ordonnance vitale de ma fille qui doit traîner là en-dessous), il m'arrive aussi de faire des découvertes totalement incroyables, inattendues, surprenantes, attendrissantes, etc, etc. Ce soir, j’ai trouvé un livre d’artiste, le premier roman de Constance A (plus connue en ces jardins sous le pseudonyme de « Mosquito »), je vous assure la transcription graphique, mais je vous garantis que tout est authentique, orthographe comprise, jouez du clic et du zoom sur les photos si vous ne me croyez pas !

 

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Ce soir donc, j’ai lu un roman illustré en couleurs (ah, manque quand même le couv. ill. en coul cher à mon job), intitulé « Le chat perdue », par Constance A, dans la colèction Maman (oui y a pas d’éditeur, est-ce prémonitoire, métier en voie d’extinction ?)

L’histoire étant courte, je me permets de vous la livrer (on verra plus tard pour les droits d’auteur)

Chapitre 1

Il était une fois un petit chat qui s’appeler vachette. C’était un chat heureux elle avait une maîtresse très gentille mais un jour elle mourut. 

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Chapitre 2

Le petit chat partie de la maison pour appeler du secour. Il a-la chez la cousine de sa maîtresse, qui habitai a 100 Km. En route le petit chat se perdu.

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Chapitre 3

Le petit chat ne trouvas plus son chemin c’est come ment ça qui s’appelle Le Chat perdu. FIN

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 ****

Quatrième de couv :  Le chat perdu – Constance A

Un chat perd sa maîtresse il essait de chercher de laide mais…

Colection Maman

 

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Mon avis sur ce premier roman : bon, si j’étais éditrice, même avec une bonne correctrice pas loin, je conseillerais à l’auteur de travailler encore, il faut persévérer, ce n’est pas encore totalement abouti. Mais en tant que maman de la jeune auteure, à votre avis ??

 

Colèction Maman,  7 pages, illustrations couleurs, prix : non indiqué

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Crédit photos : la maman de l’auteure mais tout le mérite revient bien sûr à Constance A

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Je m’appelle Asher Lev – Chaïm Potok

13 Avril 2010, 20:47pm

Publié par Laure

Traduit de l’américain par Catherine Gary et Fabrice Hélion

appelle-asher-lev.jpgLe petit Asher Lev est élevé dans une famille juive hassidique de Brooklyn, où les traditions et les valeurs occupent une place prépondérante. Sa mère, après une grave dépression, reprend des études universitaires d’histoire de la Russie avant de l’enseigner, et son père voyage à travers le monde pour sauver des juifs de la répression soviétique. Le récit démarre dans les années 50 à New-York. Asher Lev aime dessiner, tout ce qu’il voit, et tout le temps. Mais cette passion enfantine prend très vite la forme évidente d’un réel don, et c’est ce qui va faire son malheur. Asher Lev, tout au long de son enfance et de son adolescence, sera sans cesse tiraillé entre la nécessité vitale du don qui s’impose à lui, il ne peut pas exister sans peindre, et la tradition familiale hassidique qui considère l’art comme quelque chose de malsain, inutile et vulgaire. De conflits en soutiens, il sera déchiré en permanence entre le talent évident qui lui dicte de continuer, et son respect de l’autorité parentale et d’un père qui se sent humilié et sali de voir ainsi son fils perdre son temps.

Je m’appelle Asher Lev est un livre surprenant, qui devient très vite fascinant. On apprend beaucoup sur la communauté des hassidim ladovériens, sur la peinture, et le nœud du récit est bien le choix qu’il faut faire dans la vie :  toutes les décisions qui pèsent dans le récit sont très bien traduites et ressenties : la mère partagée entre son amour pour son mari et son amour pour son fils, qui tout du long passera sa vie angoissée à attendre ou l’un ou l’autre (toute la fin du livre boucle cela à merveille, via deux tableaux controversés d’Asher), la fierté d’un père devant la célébrité reconnue de son fils, mais qui trahit bien trop violemment la religion pour qu’il puisse l’accepter, un fils tiraillé entre son désir de plaire à ses parents et la nécessité de vivre SA vie, cet art qui s’impose à lui ; tout toujours sera rupture et douleur, la réussite a un prix, la vie nécessite des choix difficiles.

Je m’appelle Asher Lev fait désormais partie des classiques américains, Chäim Potok, son auteur (1929-2002) fut rabbin avant d’être un écrivain reconnu comme l’un des meilleurs romanciers de l’école juive new-yorkaise, tout comme son aîné Bashevis Singer. Il existe une suite à Je m’appelle Asher Lev : le don d’Asher Lev, écrit 18 ans plus tard.

p. 231 : « Peindre, ce n’est pas raconter une histoire. Si tu veux en raconter une, deviens illustrateur ou écrivain. Mais si tu veux être peintre, il faut que tu apprennes à utiliser la ligne, la couleur, la forme et la matière pour faire des tableaux, pas des histoires. »

Buchet Chastel, 1973, 396 pages,

Existe en poche chez 10/18, prix : 8,60 €

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Crédit photo couverture : éd. 10/18.

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Mon coeur n'oublie jamais - Agnès de Lestrade

7 Avril 2010, 13:15pm

Publié par Laure

Illustrations de Violaine Marlange

 

coeur-n-oublie-jamais.jpgAngèle part quelques jours chez sa grand-mère, Maria Brantôme, une ancienne grande actrice qu’elle appelle tout simplement Mamia. Ces vacances sont un peu particulières, car la maman d’Angèle est enceinte, Angèle va avoir un petit frère, mais voilà, bébé voudrait déjà s’annoncer et c’est bien trop tôt, alors le temps que sa maman soit hospitalisée quelques jours et que son papa gère son travail, Angèle part chez Mamia, la belle et un peu fantasque Mamia. Mais cette année, Mamia est vraiment bizarre : elle l’appelle Nouck, (du prénom de sa mère, Anouck), elle fait une soupe de cerises vertes, elle veut retrouver son Léonard de mari sans se souvenir qu’il est mort depuis plusieurs années, elle entraîne sa petite-fille dans de drôles d’aventures qui inquiètent réellement Angèle…

Sans que jamais soit nommée la maladie d’Alzheimer, on assiste ici au regard d’une petite-fille sur les absences et « bizarreries » de sa grand-mère. C’est évoqué avec délicatesse et pudeur, avec des mots d’enfants qui sans peut-être tout comprendre savent faire la part des choses entre la fantaisie et l’alerte plus sérieuse. Sans dramatiser non plus, Agnès de Lestrade offre un petit roman sensible et généreux sur ce thème de la maladie et de la mémoire qui s’en va. De façon plus large aussi on verra un beau roman sur le lien entre enfants et grands-parents, sur ces souvenirs de vacances qu’on garde presque tous précieusement au fond de soi. 

Les illustrations de Violaine Marlange complètent agréablement l’ouvrage, j’ai particulièrement aimé une pleine page lorsque la petite fille est couchée dans son lit avec son doudou, ce joli dessin tout simple et si parlant…

 

Le billet de Clarabel, …

 

Rouergue, coll. ZigZag, février 2010, 109 pages, prix : 6,50 €

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Crédit photo couverture : © Violaine Marlange et Frank Secka / éd. du Rouergue

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Le temps suspendu - Valeria Parrella

6 Avril 2010, 14:49pm

Publié par Laure

Traduit de l’italien par Dominique Vittoz

 

temps-suspendu.jpgp. 12 : « Voilà, Irene, ma fille, mourait ou naissait, je n’ai pas très bien compris : pendant quarante jours, ces mots ont désigné un seul et même état. Inutile d’interroger le corps médical, on me répondait : « Personne ne peut savoir, madame. » »

 

Maria, quarante deux ans et un paquet de cigarettes par jour depuis sa majorité, donne naissance à une petite fille, Irene, plus tôt que prévu : bien trop tôt, au bout de six mois de grossesse seulement. Le père s’en est allé dès la première échographie. Personne ne peut savoir si l’enfant vivra, ce temps passé dans les services de réanimation néonatale est un temps suspendu, un temps où Maria ne fait rien d’autre pendant quarante jours que de passer onze heures par jour à regarder la couveuse de sa fille. Elle qui donne des cours du soir en grammaire et littérature dans un centre pour adultes, étrangers ou ayant besoin d’obtenir le diplôme du brevet des collèges, elle qui raconte aussi comment elle a tout fait depuis son enfance pour être bonne élève, s’élever, sortir de la condition sociale difficile de ses parents. « Vivre au jour le jour et espérer dans l’avenir », elle ne peut plus faire grand-chose d’autre aujourd’hui.

L’autre présence forte du livre, c’est la ville de Naples, quittée dans l’enfance pour une petite ville plus tranquille, puis retrouvée, le va et vient constant entre l’enfance et sa vie d’adulte, ses relations avec ses collègues de travail et ses élèves adultes. Maria n’en oublie jamais tous ceux qui l’entourent, mères compagnes d’infortune, médecins, tous ont une place, parfois lancinante au sein du récit.

 

p. 60 : « […] soudain, le moniteur lançait une plainte continue et on voyait entrer des blouses blanches qui nous pressaient sans ménagement de quitter les lieux. En deux secondes, nous étions de retour sur les banquettes, le visage entre les mains. Puis passait un berceau en Plexiglas opaque, ouvert, où il était sans importance qu’entre de l’air ou de l’oxygène. La taille était standard, couveuse ou cercueil.

Nous avons côtoyé la mort, celle que les soldats découvrent à la guerre.

Je l’ai appelée parfois de mes vœux, pour qu’elle mette un terme à l’angoisse, qu’elle arrive claire et reconnaissable, balayant doutes et hésitations.

Et cette pensée cohabitait avec l’espoir. » 

 

J’ai découvert avec ce roman de Valeria Parrella une écriture forte et nouvelle, exigeante et simple à la fois. Sans jamais verser dans la sensiblerie, l’auteur réussit très bien ce récit du temps arrêté, suspendu, entre la naissance prématurée et le temps du retour à la maison, sans jamais de défaire de l’environnement extérieur. Ce temps qui ne se termine pas toujours bien pour tous. J’ai aimé cette façon de « dire », solitude intérieure unie à son entourage, et suis curieuse de découvrir d’autres textes de l’auteur, qui a publié un recueil de nouvelles traduit en 2009 notamment : le ventre de Naples.

 

Merci à Suzanne de logo-chez-les-filles.jpg et aux éditions du Seuil de m’avoir fait découvrir cet auteur !

 

Seuil, coll. cadre vert, avril 2010, 154 pages, prix : 16.50 €

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Crédit photo couverture : © Ricardo Demurez / Trevillion Images / et éd. du Seuil

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