Les jardins d'Hélène

Frères de sang - Richard Price

5 Décembre 2010, 08:27am

Publié par Laure

Traduit de l’américain par Jacques Martinache

 

freres-de-sang.jpgEcrit dans les années 1970, ce roman de Richard Price, connu notamment pour être le scénariste de La couleur de l’argent de Martin Scorsese, n’a été traduit en France que cette année. Extrêmement cru et violent, il est difficile de passer les cent premières pages, tant les hommes de cette famille d’origine italienne, les De Coco, ne semblent vivre que pour l’alcool et le sexe dans sa toute vulgarité. Les femmes n’y sont que des objets. Pourtant, on ose imaginer que tout cela n’est pas gratuit, et dès lors qu’on a le courage de s’accrocher, on finit le livre un peu sonné, mais conscient d’être indéniablement face à un grand roman.

 

Stony De Coco, 17 ans, semble un avoir un avenir tout tracé comme électricien, comme son père, Tommy. Comme lui, alcool, drogues et femmes sont son quotidien. Il est très proche également de son oncle Chubby. Tous vivent à Co-op City, vaste cité du Bronx. Stony a un lien très fort avec son petit frère Albert, anorexique et souffre-douleur de sa mère.

Mais peut-on jamais échapper à son milieu social et au destin promis par sa famille ? Stony est confronté à un difficile dilemme entre la voie toute tracée par son père et faire ce qui lui plairait vraiment, mais le couperait un peu de cette famille tentaculaire.

 

Richard Price est un sacré raconteur d’histoires, au réalisme noir et brutal, mais avec une force qui rendent les personnages terriblement présents et attachants. Jusqu’à la fin on accompagne le jeune Stony dans son cheminement à travers famille et amis (tous les personnages secondaires ont leur importance et une présence forte), avec l’espoir fragile que la raison l’emportera. Un livre dont on ne sort pas complètement indemne.

 

 

Presses de la Cité, août 2010, 390 pages, prix : 21 €

Etoiles : stars-4-5__V7092073_.gif

Crédit photo couverture : éditions Presses de la Cité

 

 

Voir les commentaires

Beautiful Nightmares - Nicoletta Ceccoli

3 Décembre 2010, 07:27am

Publié par Laure

beautiful-nightmares.jpg

© Ceccoli/Venusdea/Mc Productions

Nicoletta Ceccoli, vous la connaissez peut-être sans le savoir : elle a illustré plusieurs couvertures des éditions Actes Sud, et notamment celle du prédicateur, le polar suédois de Camilla Läckberg. Illustratrice reconnue et plusieurs fois récompensée, Beautiful Nightmares est son premier artbook publié. Il rassemble de magnifiques tableaux pleine page, sur double page aussi, en plus de détails extraits et mis en avant.

Toutes ces jeunes filles sont mystérieuses, belles et douces mais avec quelque chose d’effrayant ou de cruel dans le détail. C’est un univers fantasmagorique que nous offre l’artiste, il m’est difficile de mettre des mots sur ces peintures, elles touchent à l’enfance tout en laissant poindre quelque chose de sombre. Féériques, oniriques, ses dessins gardent une touche de mystère mais on ne se lasse pas de les admirer.

 

 

Daphne.jpg

 

BeautifulNightmares-page-46.jpg

 

 

© Ceccoli/Venusdea/Mc Productions

 

Le travail de Nicoletta Ceccoli me fait beaucoup penser à celui de Benjamin Lacombe et Mark Ryden ...

 

Un beau-livre original à l’approche de Noël : à vous de trouver le sapin sous lequel le glisser 

 

Pour aller plus loin :

 Une interview de l’artiste

 

Le site de l’artiste 

Le blog de l'éditrice

 

 

 

 

VenusDea / Soleil éditions, septembre 2010, 135 pages, prix : 34,90 €

Etoiles : stars-4-5__V7092073_.gif

Crédit photo couverture : © Nicoletta Ceccoli et éd. Venusdea

Voir les commentaires

La cote 400 - Sophie Divry

2 Décembre 2010, 07:45am

Publié par Laure

 

cote-400.jpgC’est un long monologue (mais court texte de 64 pages) sans respiration : pas de saut de ligne, pas de paragraphe, encore moins de chapitre, pas même d’alinéa. C’est dense mais ça s’avale tout seul.

Quand elle découvre un lecteur endormi dans son sous-sol, la bibliothécaire du rayon géographie ne le libère pas, non, elle lui parle, pendant deux heures, avant l’ouverture au public. De ses frustrations, de ses échecs, de ses rancœurs, du rayon histoire où elle aurait aimé travailler, de la cote 400 (les docs sur le langage) qui se vide parce qu’on l’a déplacée dans les 800 (la littérature), de Martin le jeune chercheur dont elle ferait bien son quatre-heure, de sa solitude dans son appartement du boulevard Victor Hugo entre le cimetière et la boucherie, …  

p. 38/39 « Je préfère rester ici-bas, tranquillement, plutôt que de travailler toute l'année avec les snobs en haut [ses collègues du rayon littérature]. Quand je vois les livres qu’elles doivent mettre en rayon tous les jours. Ces livres qui sortent aujourd’hui, il y a de tout, mais en général ce ne sont pas de bonnes fréquentations. Et si vous fréquentez quotidiennement de mauvais livres, ça ne rend pas intelligent. Faut pas s’étonner. Vous n’y avez jamais pensé : que peut produire littérairement une société où il n’y a plus ni guerres, ni épidémies, ni révolutions ? Je vais vous le dire, moi : des fictions ineptes sur de gentilles filles et de braves garçons amoureux qui se font souffrir sans le vouloir et passent leur temps à s’excuser en pleurant. Ridicule. Il ne faut jamais s’excuser. (…) Les gens s’excusent beaucoup trop, tout le monde a peur d’être méchant et ça fait de la littérature pour bébés. Du ras des pâquerettes. Ce n’est pas comme ça qu’on grandit. Quand je vois, à la rentrée, tous ces livres niaiseux qui envahissent les librairies alors qu’ils ne sont, quelques mois plus tard, plus bons qu’à se vendre au kilo. Tous ces bouquins qui vous sautent dessus par centaines, quatre-vingt-dix-neuf pour cent sont justes bons à envelopper des sardines. »

 

J’ai passé un vrai bon moment avec ce livre, que j’ai trouvé vraiment drôle, tant elle en tient quand même un sacré grain, cette bibliothécaire ! Avec quelques vérités bien senties au passage, quelques provocations sur le métier, les lecteurs ou les politiques publiques, des explications sur la Dewey pour les novices, des coups de colère et des coups d'aigreur, elle crie surtout une grande solitude, enfermée dans son invisibilité.

 

Lu par des *thécaires : Sophie, des documentalistes : Reka,  et des peut-être pas du métier (je ne sais pas) : Cécile, Malice, Lalou, ...

 

Les Allusifs, septembre 2010, 64 pages, prix : 11 €

Etoiles : stars-4-5__V7092073_.gif

Crédit photo couverture : © Alain Pilon et éd. Les Allusifs.

 

Voir les commentaires

Dernière adresse - Hélène Le Chatelier

1 Décembre 2010, 16:36pm

Publié par Laure

derniere-adresse.jpgA un âge avancé, Niamh nous parle de sa vie, de sa jeunesse irlandaise, de son mariage, de ses enfants, et de cette frénésie de vivre qui ne la quitte pas, car si le corps ne suit plus, la tête elle, en demande encore. Et pourtant c’est l’heure du passage, ses enfants la placent en maison de retraite, nursing home dit-on plus joliment de l’autre côté de la Manche. Elle ne s’y fait pas, mais on ne lui laisse guère le choix… Chemin descendant.

Quel joli texte alerte et ironique sur la lucidité de vieillir, d’autant plus frappant que l’auteur est toute jeune (34 ans, premier roman, bravo !)

Et puis il y a ce leitmotiv, « je ne l’ai jamais revu », qui ouvre plusieurs pages et qui va dévoiler le secret que personnellement je trouve inutile. Le récit se suffisait à lui-même sans ajouter ce drame un peu trop omniprésent dans les romans français contemporains aujourd’hui. Niamh me plaisait dans sa lutte perdue avec humour, avec ses mots qui font mouche, qui touchent ou font sourire.

 

p. 17 : « Tu es mon enfant. Je suis ta mère. Un lien indissoluble, indéfectible. Indéfectible amour. Et pourtant, l’autre ne nous appartient pas. Il garde sa personnalité propre, son indépendance, nécessaire et vitale. Possession impossible, impossible possession. Nous nous appartenons sans avoir de droit l’un sur l’autre. Nous nous appartenons, er cela impose tous les devoirs que j’ai dorénavant envers toi.

Et si je fais bien mon travail, peut-être, plus tard, reconnaîtras-tu ces mêmes devoirs comme étant les tiens envers moi.

Transmission. »

 

Arléa, coll. 1er /mille, septembre 2009, 89 pages, prix : 13 €

Etoiles : stars-4-0__V7092073_.gif

Crédit photo couverture : © Ed. Arléa

Voir les commentaires

<< < 1 2