Les jardins d'Hélène

La cote 400 - Sophie Divry

2 Décembre 2010, 07:45am

Publié par Laure

 

cote-400.jpgC’est un long monologue (mais court texte de 64 pages) sans respiration : pas de saut de ligne, pas de paragraphe, encore moins de chapitre, pas même d’alinéa. C’est dense mais ça s’avale tout seul.

Quand elle découvre un lecteur endormi dans son sous-sol, la bibliothécaire du rayon géographie ne le libère pas, non, elle lui parle, pendant deux heures, avant l’ouverture au public. De ses frustrations, de ses échecs, de ses rancœurs, du rayon histoire où elle aurait aimé travailler, de la cote 400 (les docs sur le langage) qui se vide parce qu’on l’a déplacée dans les 800 (la littérature), de Martin le jeune chercheur dont elle ferait bien son quatre-heure, de sa solitude dans son appartement du boulevard Victor Hugo entre le cimetière et la boucherie, …  

p. 38/39 « Je préfère rester ici-bas, tranquillement, plutôt que de travailler toute l'année avec les snobs en haut [ses collègues du rayon littérature]. Quand je vois les livres qu’elles doivent mettre en rayon tous les jours. Ces livres qui sortent aujourd’hui, il y a de tout, mais en général ce ne sont pas de bonnes fréquentations. Et si vous fréquentez quotidiennement de mauvais livres, ça ne rend pas intelligent. Faut pas s’étonner. Vous n’y avez jamais pensé : que peut produire littérairement une société où il n’y a plus ni guerres, ni épidémies, ni révolutions ? Je vais vous le dire, moi : des fictions ineptes sur de gentilles filles et de braves garçons amoureux qui se font souffrir sans le vouloir et passent leur temps à s’excuser en pleurant. Ridicule. Il ne faut jamais s’excuser. (…) Les gens s’excusent beaucoup trop, tout le monde a peur d’être méchant et ça fait de la littérature pour bébés. Du ras des pâquerettes. Ce n’est pas comme ça qu’on grandit. Quand je vois, à la rentrée, tous ces livres niaiseux qui envahissent les librairies alors qu’ils ne sont, quelques mois plus tard, plus bons qu’à se vendre au kilo. Tous ces bouquins qui vous sautent dessus par centaines, quatre-vingt-dix-neuf pour cent sont justes bons à envelopper des sardines. »

 

J’ai passé un vrai bon moment avec ce livre, que j’ai trouvé vraiment drôle, tant elle en tient quand même un sacré grain, cette bibliothécaire ! Avec quelques vérités bien senties au passage, quelques provocations sur le métier, les lecteurs ou les politiques publiques, des explications sur la Dewey pour les novices, des coups de colère et des coups d'aigreur, elle crie surtout une grande solitude, enfermée dans son invisibilité.

 

Lu par des *thécaires : Sophie, des documentalistes : Reka,  et des peut-être pas du métier (je ne sais pas) : Cécile, Malice, Lalou, ...

 

Les Allusifs, septembre 2010, 64 pages, prix : 11 €

Etoiles : stars-4-5__V7092073_.gif

Crédit photo couverture : © Alain Pilon et éd. Les Allusifs.

 

Commenter cet article
J
<br /> <br /> J'attends de le lire avec impatience, afin de me perdre dans les méandres de la Dewey !!!<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Je me suis fait plaisir en le commandant et j'ai pensé également qu'il ne plairait pas forcément aux lecteurs...Mais, si je l'aime, je le mettrais peut-être en Coup de Coeur, en tous<br /> les cas, je le proposerai à ceux et celles qui cherchent des idées de lectures.<br /> <br /> <br /> En ce qui concerne " La librairie francophone", je trouve cette émission formidable, très bien menée par Emmanuel Khérad.<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
F
<br /> <br /> Je l'ai commandé pour la bib celui ci suite à l'interview de l'auteur dans "La librairie francophone". J'avais déjà hâte de le lire, avec ton billet, c'est pire encore! ;)<br /> <br /> <br /> <br />
Répondre
L
<br /> <br /> On a les mêmes sources ;-)<br /> <br /> <br /> il parle forcément aux bibliothécaires, quant aux lecteurs de la bib... je ne sais pas, il faut susciter le débat avec eux !<br /> <br /> <br /> <br />