Les jardins d'Hélène

rentree litteraire d'hiver (2021)

Un si petit monde – Jean-Philippe Blondel

13 Mars 2021, 11:48am

Publié par Laure

Ce titre fait suite à la grande escapade, publié en août 2019 (qui sort en poche chez Folio en même temps que ce tome 2), c’est donc un tome central, avant le dernier d’une trilogie annoncée.

On retrouve les personnages de la grande escapade, après un saut dans le temps de 1975 à 1989, c’est la chute du Mur de Berlin, puis le début de la guerre du Golfe, le démantèlement des pays de l’Est, etc. Philippe Goubert est devenu prof d’anglais, il semble doué dans cette vocation, hésite à suivre Annette en Allemagne, et l’on n’en saura guère plus sur lui. On l’avait quitté à la fin du tome 1 en se doutant qu’il deviendrait écrivain, ce n’est pas encore pour cette fois.

L’inconvénient d’une lecture numérique, c’est que je n’ai découvert qu’à la toute fin la page récapitulative des noms des personnages, leurs liens familiaux, et j’en aurais eu bien besoin au début de l’ouvrage ! En édition papier, je l’aurais peut-être feuilleté et trouvé plus tôt ! Difficile de se souvenir presque deux ans après des interactions entre les uns et les autres. J’ai fini par conclure que tout le monde couchait avec tout le monde, tout le monde trompait tout le monde, tout le monde mourait, se suicidait ou en avait envie, et les vivants n’ont qu’une envie, se sortir de ce petit monde aux faux-semblants qui sauvent les apparences. Forcément, des secrets de famille éclatent, et au final, il ne se passe pas grand-chose.

« L’ensemble distille un ennui poli », dit une blogueuse aussi vieille que moi dans ce tout petit monde.

Je ne peux que vous conseiller de lire les deux tomes dans la foulée, car pour moi, le hic, c’est que ce tome 2 lu séparément ne fonctionne pas. On ne sait pas qui est qui, et on reste grandement sur sa faim. On touche là à une stratégie éditoriale qui n’a rien à voir avec la qualité du roman [Blondel sait écrire, je ne remets pas cela en cause], mais qui pour moi soulève ces questions-là :

  • Un auteur tombe-t-il dans l’oubli s’il ne publie pas comme un métronome, tous les ans, ou deux ans grand maximum ?
  • N’eut-il pas mieux valu attendre 5 ans et avoir un bon gros pavé comprenant la trilogie comme une seule œuvre, certes un peu plus chère qu’un volume à l’unité, mais dans laquelle le lecteur se plonge avec bonheur et en ressort heureux ?
  • Faut-il absolument coller à l’air du temps qui veut qu’aujourd’hui, un livre doit faire 250 pages max (le lecteur n’a pas le temps et veut du vite lu, ça se confirme tous les jours dans mon travail) et coûter 20€ max, au-delà c’est trop cher ? [On hésite plus pour un pavé à 25 € ? – pas pour un auteur qu’on suit !]
  • On le sait, les tomes 1 se vendent plus que les tomes 2, et ainsi de suite decrescendo. On perd du monde en route. Toujours. Parce que tout le monde ne suit pas l’actualité littéraire, parce qu’on oublie, parce qu’on n’a pas compris qu’il s’agissait d’une trilogie. Ou parce qu’on n’a pas aimé.
  • Le roman dans son entier nous aura coûté presque 60 €, on en pense quoi, de cette stratégie de vente ?
  • Les volumes peuvent-ils se lire indépendamment ? En théorie oui. En réalité dans ce cas précis je ne trouve pas.

Je lirai le tome 3 parce que c’est JPB, mais pour moi ce choix de publication échelonnée est une erreur. Désolée.

 

 

 

 

 

 

Buchet Chastel, mars 2021, 256 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-283-03407-1

 

 

Crédit photo couverture : © Hinterhaus Productions / Getty Images / et éd. Buchet Chastel

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Elle, la mère – Emmanuel Chaussade

9 Mars 2021, 11:27am

Publié par Laure

Ce premier roman singulier, s’il aborde un thème assez classique, le fait avec une originalité dans l’écriture, des phrases courtes, souvent nominales. C’est l’histoire d’une mère racontée par son fils, Gabriel, troisième enfant d’une fratrie de quatre, deuxième et avant dernier garçon. Le seul à être présent à l’enterrement qui ouvre le roman.

Il remonte la vie rude et violente de cette mère, dont on ne connaitra jamais le prénom, délaissée et rejetée de tous, car elle n’est pas de la même classe sociale que sa belle-famille. Pourtant elle ne manquera pas de courage et de force, mais sera souvent perdue et mal aimée.

Il y a des passages très durs, mais aussi toute la beauté de l’amour filial, qui redonne vie à cette femme.

Peut-être y verra-t-on une accumulation d’abus malheureux, qui font perdre un peu de force à l’ensemble, mais il y a aussi de somptueux passages, ceux sur l’alzheimère notamment. Et cette fin en boucle, qui donne envie de revenir immédiatement au début, ce cercle qui permet de se réapproprier davantage par une relecture ce texte vraiment intéressant dans son verbe.

A relire, indéniablement.

« Elle est la mère mais elle est restée une petite fille. Une petite mère à protéger et à gâter. Pour ses cinquante ans, le fils lui a dessiné et fait réaliser un bracelet en or gravé des prénoms entrelacés des êtres qui lui sont chers. Plus de trois cents grammes d’amour, trop lourds pour elle toute seule. Insupportable. Menottes d’amour impossible. Bijou jamais porté. Elle ne le mérite pas. La mère indine donne à sa fille tous ces noms gravés dans l’or. Le fils en est blessé, non pour le prix du cadeau mais parce qu’il comprend qu’il s’est trompé. Ce symbole de la famille est illusoire. La mère l’a compris bien avant lui. Elle sait que cette famille n’existe pas."

« La mère n’a aucune aversion. La mère aime d’instinct. Elle aime comme un animal. Sans réfléchir. Tout de suite, jamais ou pour la vie. Elle aime d’un amour vrai, d’un amour pur. Elle aime sans distinction. A vie. Elle aime sans différence. Enfants et amis aimés de la même façon. Aimés sans avantage. Elle est incapable d’aimer autrement. Elle écarte les gens toxiques. Des gens nuisibles lui sont imposés. (…) »

Ed. de Minuit, janvier 2021, 96 pages, prix : 12 €, ISBN : 978-2-7073-4671-1

 

Crédit photo couverture : éd. De Minuit.

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Loin du soleil – Françoise Henry

8 Mars 2021, 10:34am

Publié par Laure

Quel beau récit, une histoire si triste et pourtant si lumineuse sous la plume de Françoise Henry !

Loïc perd sa maman alors qu’il n’a que quatre ans. Décédée d’une rupture d’anévrisme, personne ne lui dira la vérité, on lui raconte que sa mère est partie, avec toutes sortes de scénarios improbables. Le père ne peut surmonter son chagrin, l’enfant est alors confié à ses grands-parents.

La vie de ce jeune garçon jusqu’à l’âge adulte, ainsi que celle de sa famille est racontée par Greta, voisine souffrant de photodermatose, qui se doit de rester loin du soleil, et qui ne peut sortir qu’harnachée en tenue d’apicultrice ou de cosmonaute. Elle observe, et raconte, s’adressant directement à l’enfant, à la deuxième personne du singulier.

La souffrance, la misère, le manque d’amour, l’alcoolisme, la lueur d’espoir lorsque qu’arrive la deuxième épouse, bien vite déçu, l’illettrisme et le mauvais chemin suivi par Loïc et son père sont si justement décrits. Ces deux hommes qui évoluent bien loin de leur soleil, leur amour Nadine trop jeune disparue. Ces deux hommes qui tenteront de renouer un lien, mais que l’alcool et l’absence de dialogue empoisonnent.

Il y a tant de richesse dans l’étude de cette famille, une analyse fine qui jamais ne juge, et qui rayonne d’une beauté portée par l’écriture superbe et poétique, avec une fin porteuse d’espoir.

 

Une très belle découverte.

 

 

 

 

 

 

Éditions du Rocher, janvier 2021, 216 pages, prix : 17,90 €, ISBN : 978-2-268-10386-0

 

Crédit photo couverture : éditions du Rocher

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La soutenance – Anne Urbain

1 Février 2021, 19:15pm

Publié par Laure

Antoine a décidé d’arrêter sa thèse, mais ne parvient pas à l’annoncer à sa mère. Il se condamne lui-même à la terminer, entre cafés, derniers cours en tant que prof, BNF et procrastination. Il ne rejoindra pas sa compagne à Séoul pour mieux travailler, tout en accueillant à l’improviste son frère ainé, Dan, qui travaille dans la finance à Londres. L’un n’a pas le sou, l’autre le distribue, l’un est fidèle à son époque, un peu paumé, l’autre part en vrille. Comment trouver sa place dans cette famille qui semble désunie malgré les apparences ?

Choisi pour son titre et son sujet (la soutenance de mon fils est prévue dans 15 jours), je me suis longtemps demandé où l’auteur allait en venir. Ce roman apportait-il quelque chose de neuf ou d’intéressant à la littérature ? Je n’ai pas aimé les personnages, et pourtant, le ton m’a donné envie de poursuivre. La tragi-comédie prend le dessus, mais semble montrer aussi le grand désarroi d’une jeune génération perdue et sans repères, la déliquescence de la famille et de la communication en son sein. Une lecture intrigante mais mitigée pour ma part.

 

Premier roman

 

Ed. de l’Olivier, janvier 2021, 234 pages, prix : 18 €, ISBN : 978-2-8236-1697-2

 

 

Crédit photo couverture : © cedric@scandella.fr / éd. De l’Olivier.

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