Les jardins d'Hélène

Santé, le grand fiasco – Véronique Vasseur et Clémence Thévenot

9 Décembre 2013, 08:13am

Publié par Laure

Cet ouvrage signé Véronique Vasseur, médecin à l’hôpital Saint-Antoine à Paris (souvenez-vous de Médecin-chef à la prison de la Santé) et Clémence Thévenot, journaliste, dresse un état des lieux sidérant de la santé publique aujourd’hui en France. Le beau modèle de la sécurité sociale créé en 1946 ne peut plus perdurer et ce n’est pas une énième petite réforme qui changera les choses en profondeur. Quand nous réveillerons-nous et accepterons-nous d’y réfléchir et d’en débattre ?

 

L’ouvrage passe en revue tous les dysfonctionnements, gaspillages, exemples consternants de gâchis monumentaux, consumérisme outrancier (« je cotise j’y ai droit »), mains lourdes des praticiens, lobbying des laboratoires pharmaceutiques acoquinés avec l’État, scandale du Mediator, etc. En soi vous n’apprendrez pas grand-chose de neuf pour peu que vous suiviez l’actualité (et que vous habitiez un désert médical comme moi où le délai d’obtention d’un rendez-vous chez un ophtalmo est aujourd’hui de 12 mois, 6 mois chez un dermato, impossible chez un gynéco (ne prennent plus de nouveaux patients) et que vous pourriez prendre des cours de roumain en allant chez le généraliste), d’autant que les bonnes feuilles de l’ouvrage avaient été publiées dans le Point au moment de sa sortie, mais l’accumulation des situations décrites (tristement réelles) ne peut que faire prendre conscience du pessimisme de l’avenir, et du changement colossal qu’il faudrait mettre sur les rails. Alors pourquoi on ne change rien, à part dérembourser de plus en plus de produits sans que les économies réalisées, de minuscules gouttes d’eau, parviennent à combler le gigantesque trou ? Parce que ce serait impopulaire. Et que lorsque l’on veut être élu, on ne peut pas se permettre d’être impopulaire. Et parce que tout le monde devrait se remettre en questions, élus, soignants, mais aussi malades « consommateurs » qui ont remplacé la notion de santé par les notions de bien-être et de confort.

L’ouvrage est très facile à lire, à la limite du langage parlé parfois, pas de verbiage alambiqué, c’est simple et direct. Dix grandes parties (ah, la CMU, l’AME, l’ALD, leurs contradictions et leurs aberrations, tout un poème !, les fraudes – de toutes parts, etc.) qui offrent chacune une introduction simple, et deux ou trois chapitres de développement.

J’hésite souvent à parler des docs que je lis, parce qu’il s’agit souvent d’un choix très personnel mais celui-ci nous concerne tous… Salutaire, mais vain ?

 

p. 35 : « Mais le gouvernement continue d’éviter les réformes aux allures de suicide électoral. La prudence des élus est responsable de la lente dégradation qui ronge notre système. »

 

Flammarion document, septembre 2013, 306 pages, prix : 19 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Flammarion

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Pedro Crocodile et George Alligator – Delphine Perret

8 Décembre 2013, 08:48am

Publié par Laure

George l’Alligator rend visite à son cousin Pedro le Crocodile. Il est très énervé, il ne supporte plus qu’on le prenne pour un crocodile, alors qu’il est un alligator, lui ! Pedro lui explique que ce sont les enfants du bout du monde qui les confondent.

- Le monde a un bout ? avec des enfants dessus ? s’étonna George l’alligator.

- Oui, des enfants qui disent n’importe quoi !

Il ne leur en faut pas plus pour aller voir cela de plus près, et leur apprendre de quoi il en retourne, en les mangeant, tiens ! Ils vont finir par en trouver dans une école, et là, … eh bien, savourez ! J’adorais déjà Delphine Perret dans la série « Louis et son loup », elle confirme ici encore son talent et son humour. Texte savoureux, drôle, dessin à la fois sobre et riche (je défie quiconque de ne pas être tenté de colorier certaines des pages de cet album), illustrations qui fourmillent de détails qui ajoutent à l’humour du texte, jeu sur les couleurs savamment orchestré, bref, un régal et un vrai coup de cœur. (et dans tout cela, on a oublié de parler du caïman… chut !)

 

 

Les fourmis rouges, septembre 2013, prix : 16,50 €

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Crédits images : © Delphine Perret et éd. Les fourmis rouges

 

Pedro Crocodile et George Alligator – Delphine PerretPedro Crocodile et George Alligator – Delphine Perret

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Muette - Eric Pessan

7 Décembre 2013, 13:26pm

Publié par Laure

Muette, c’est l’histoire d’une fugue. Celle d’une adolescente de 15 ans au sein d’une famille mal aimante où la communication est impossible. Muette organise sa fuite dans une cabane en forêt, avec un duvet, de l’eau, et quelques menues provisions. Son errance, son rejet de cette violence sourde, l’histoire particulière de sa naissance, tout est finement évoqué, quelques phrases courtes en italique parsèment le récit pour dire la violence qui frappe Muette. Ces propos sont ceux de tiers, parents essentiellement mais aussi voisins, connaissances, enseignants, infirmière scolaire, ils éclairent le comportement de la jeune fille.

 

Le récit s’inscrit aussi fortement dans l’expérience du corps et de la nature : comment survivre sans rien ou presque, la chaleur, le froid, les animaux sauvages, tout élément auquel on prête peu d’attention d’ordinaire devient crucial. On se doute que la fugue aura un terme, Muette est sans doute recherchée par la gendarmerie, ses parents ont logiquement signalé sa disparition, le texte tend vers ce moment et l’après.

 

Si j’ai beaucoup aimé ce texte où affluent les émotions par quelques lignes qui font mouche et décuplent la noirceur familiale, j’y ai trouvé parfois quelques longueurs, et surtout une fin qui m’a déçue, même si elle se tient, bien évidemment, j’aurais aimé aller plus loin, mais cela, c’est ma réaction très personnelle. L’auteur a su également m’intriguer par les éléments d’intertextualité qu’il cite en fin d’ouvrage, et m’a donné envie de lire la femme changée en renard, de David Garnett, un classique désormais, allégorie du combat entre l’âme et le corps …

 

p. 161 : « Trop penser à ses parents oblige Muette à les imaginer, face à face, dans la cuisine, bol de thé contre bol de café, pain de la veille grillé. Que se disent-ils ? Parlent-ils d’elle ?

Elle veut notre mort,

ou évitent-ils d’échanger la moindre parole ? Ça ne tenait qu’à son père que Muette ne fugue pas. Ça ne tenait qu’à sa mère qu’elle reste. Ça ne tenait qu’à un peu d’attention, de protection, qu’à un regard qu’il faudrait arrêter de détourner. Muette se force à avaler son thé trop chaud pour que la brûlure éloigne ces pensées et l’empêche de les haïr tout à fait. »

 

p. 17 : « Souvent, Muette parle. Les choses ne réduisent pas à une grossière simplification, il ne faut pas croire. Manier les mots, Muette sait le faire ; ouvrir la bouche, arrondir les lèvres et tordre la langue pour articuler des phrases, elle y parvient si bien que beaucoup se leurrent et ne voient pas qu’au fond d’elle, elle est Muette,

toujours tu nous mens.

Tête de mule.

Arrête tes mensonges et file dans ta chambre.

Sors de ta chambre, et viens nous parler, tu vis enfermée, on dirait que l’on n’existe pas.

Tais-toi.

Dis quelque chose. »

 

Albin Michel, août 2013, 210 pages, prix : 16,50 €

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Crédit photo couverture : © éd. Albin Michel

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Mon Américain - Jean-Paul Nozière

5 Décembre 2013, 11:40am

Publié par Laure

L’histoire est racontée par Marina, 14 ans, élève en fin d’année de 4ème dans un collège dijonnais. Un nouvel élève arrive dans la classe, Jérémie Crew, vite surnommé « le Ricain » ou « Obama », car il arrive de Los Angeles, son père est consul et sa mère écrivain. Une situation exceptionnelle pour les élèves de ce collège populaire. D’ailleurs, pourquoi Jérémie est-il scolarisé dans cet établissement, et non dans le collège bourgeois voisin à bien meilleure réputation ?

p. 21 : « Un Américain + un lycée à Hollywood + parler trois langues +un père consul ou un truc du même genre + une mère écrivain = un résultat vachement lourd à digérer, d’où une preuve par 9 évidente : nous devons détester ce garçon qui nous en met plein la vue ».

Le verdict est vite tombé pour les élèves de la classe. Pourtant Jérémie jette son dévolu sur Marina, antillaise et noire, que ses camarades surnomment Blanche-Neige. Ils vont sympathiser. Mais Jérémie intrigue de plus en plus Marina : pourquoi est-il habillé comme un SDF certains jours, et comme un nanti couvert de marques les autres jours ? Pourquoi le numéro de sa rue n’existe-t-il pas ? Tout cela est bien mystérieux…

Et c’est tout l’art de Jean-Paul Nozière, bien connu en auteur de polar également, d’intriguer son lecteur pour ne plus le lâcher. Entre trivialité scolaire (le récit est aussi une tranche de vie d’élèves adolescents avec leur franc-parler, leur comportement) et enquête menée par une Marina qui serait bien en train de tomber amoureuse, l’équilibre est bien tenu. C’est court, ça se dévore, et la réalité qui en découle est un pan tout aussi réaliste de notre société. Efficace !

 

Nathan, coll. « mes années collège », août 2013, 108 pages, prix : 5 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Jérôme Meyer-Bisch et éd. Nathan

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Holden, mon frère - Fanny Chiarello

1 Décembre 2013, 18:55pm

Publié par Laure

Lu juste après Prends garde à toi, publié un an après ce titre, les deux romans se répondent, abordant des thèmes similaires (la place de la culture et son accès selon sa condition sociale), en prenant ici l'exemple inverse. Si Louise était brillante et choyée dans une famille aimante et socialement élevée, c'est tout le contraire pour Kevin, 15 ans, qui préfère se réfugier à la bibliothèque (parce qu'il y fait chaud et qu'on ne lui demande rien) que de rentrer dans sa famille bancale, père qui disparaît pendant des semaines, mère sur les nerfs, frères indifférents. Kevin ne s’est même jamais posé la question de la lecture tant le livre n'a pas sa place dans la maison, jusqu'à ce qu'une mamie énergique croisée à la bibliothèque lui mette en main L'attrape-cœurs de Salinger, puis le guide dans ses lectures, résonances parfaites à son adolescence.

 

décor, p. 8 : « Ma classe compte trois des types les plus populaires du collège. Deux d'entre eux sont Guillaume et Brandon ; ils ne se sont jamais quittés, de la maternité à la troisième. Ils ont redoublé le CP ensemble, pris leur première cuite ensemble au CM2, et passé leur première garde à vue ensemble, cet été, quand ils ont fracturé une voiture pour voler un paquet de cigarettes vide sur le tableau de bord. La troisième gloire de la classe est Loïc Huc. Il est moins extravagant que les deux autres mais tout le monde lui voue une crainte mêlée de fascination. S'il frappe sa mère, rien ne peut l'arrêter. Inégalable. Je dois mon incisive fêlée à son vigoureux coup franc. »

 

Autant dire que dans cette ambiance, le travail scolaire et la lecture ne sont pas des priorités.

 

p. 67 : « Dans notre collège, il est mal vu d'aimer les bouquins, mais ne pas savoir lire est tout aussi infamant. Un subtil dosage. »

 

Kevin va se lier d'amitié avec Laurie, l'intello de la classe qui fréquente aussi la bibliothèque, mais pas pour les mêmes raisons ! Ce roman retrace le parcours d'un jeune garçon pour qui tout n'est pas perdu, quand on place sur sa voie les bonnes personnes, et combien la littérature peut-être une béquille, un moyen d'évasion, une ouverture sur le monde, un lien entre générations. Pourtant, j'ai moins aimé ce roman que « Prends garde à toi », peut-être parce que si pour Louise, le style était parfaitement adapté, je trouve ici que l'expression de l'auteur est un peu trop parfaite encore pour coller au personnage de Kevin (même si le roman tend à le sortir de sa condition sociale), moins réaliste peut-être, un peu répétitif aussi, je l'ai trouvé un peu longuet et me suis ennuyée passés les deux tiers, mais je trouve intéressant de lire ces deux textes de Fanny Chiarello en parallèle.

 

p. 117 : « Drôle d'idée que de lire des romans, quand on y pense bien : on s'attache à des personnages qui n'existent pas, on se sent moins seul alors qu'il suffirait de lever la tête de sa page pour constater qu'on l'est toujours autant dans le vrai monde, et après, tout est fini. Chacun rentre chez soi, Holden et tous les autres dans leur néant, et moi dans ma baignoire auréolée de traces douteuses. »

 

Sélectionné pour le prix des lecteurs 13-16 ans 2014 de la ville du Mans et du département de la Sarthe.

 

L'école des loisirs, collection Medium, avril 2012, 208 pages, prix : 10,70 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Séverin Millet et éd. L'école des loisirs.

 

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Après l'amour - Agnès Vannouvong

1 Décembre 2013, 18:03pm

Publié par Laure

Incipit : « ça se passe très vite. Paola me quitte. Je bascule hors d'une zone de sécurité. Je glisse, et, déjà je construis ma défaite. D'avance, je connais le prix de la séparation. »

 

Phrases courtes, lapidaires, qui donnent le ton du roman et souvent, sa qualité. Qu'en est-il, à la fin d'un amour ? Pour faire face à la perte de celle qui était sa compagne depuis dix ans, la narratrice multiplie les aventures (homo)sexuelles comme une fuite en avant. Si quelques réflexions ici ou là sonnent juste, quelques belles scènes, une errance qui tente de s'ancrer chez le psy, le roman, aussi court soit-il, lasse vite : pauvre petite fille riche qui traverse le monde de long en large, d'avion en TGV, pour aller b... ailleurs avec la première venue. Je n'ai pas réussi à avoir de l'empathie pour l'héroïne, sans doute est-ce là la raison de ma distance et de mon désintérêt. C'est un peu vain, tout cela.

 

p. 72 : « Pourquoi laissez-vous autant de place à la séduction? Etes-vous une sex addict ?

Je paie. Je sors. Je vais pleurer sur l'île Saint-Louis.

Je maudis ses questions car mon analyste vise juste. J'ai besoin de ces rencontres pour laisser le vide laissé par Paola. […] Rien ne détruit autant qu'aimer. »

 

p. 86 : « On s'habitue à la douleur, au silence, jamais à l'absence. »

 

Mercure de France, août 2013, 200 pages, prix : 16,50 €

Etoiles :

crédit photo couverture : © Savannah Daras / Arcangel Images (détail) / et éd. Mercure de France

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Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)

30 Novembre 2013, 16:10pm

Publié par Laure

Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)

5 produits seulement ce mois-ci, du basique de l'hygiène et de l'hydratation, rien d'exceptionnel ...

Un seul gel douche (faut dire qu'il y en avait 3 le mois dernier !) : Dove, douche soin douceur soyeuse, un classique rapporté d'Allemagne où dans les DM, tout est (bien) moins cher. Peut-être pas mon préféré de la gamme, mais il fait le job avec une odeur pas désagréable :-)

 

Un déo, aïe, l'erreur : je suis pourtant fidèle de Vichy depuis des années, mais plutôt des flacons bille. Voulant éviter l'effet j'essuie le déo en enfilant mon pull, j'ai basculé sur un flacon spray : Déo Anti-transpirant 48h, 125 ml. Rien à dire sur l'efficacité du déo, mais alors je frôle l'asphyxie à chaque utilisation : même en ouvrant la fenêtre le plus vite possible (ça réveille l'hiver), je tousse, je peine à respirer, c'est incroyable ce truc. Si le parfum est neutre, il est pas top non plus, j'avais repéré le "sans alcool, sans parabens, toucher sec", j'aurais dû vérifier le parfum. Bon, comme souvent, j'ai acheté un lot de 2 à la parapharmacie, je vais aller au bout, mais juré je ne rachèterai pas. (prix : environ 13 € les 2, me souviens plus)

 

Lait démaquillant Haute tolérance "Diadermine" : déjà aperçu en avril 2013, je termine enfin ce deuxième flacon maudit, là aussi, on oublie et on ne rachète pas !

 

(clic sur les photos pour les voir entières si ça vous tente)

 

Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)

Un serum Sampar acheté sur vente-privée, eh bien, je suis maudite avec cette marque, encore une mauvaise expérience ! (Je n'avais pas aimé la brume hydratante, avais trouvé inefficace le soin buste) et quand on voit le prix des produits... Ici : serum "reveil mon teint, illumine et lisse", payé 15 € environ au lieu de 39 € En fait il s'agissait d'un serum éclaicissant (ah bon ?) mais je ne l'ai découvert qu'après (c'est marqué sur le carton, mais pas sur le flacon). Une formule fluide et qui pénètre vite (c'est un serum), dans un flacon pompe looké seringue d'infirmière, dans un support plastique sinon bonjour pour le faire tenir dans sa salle de bain. Alors qu'est-ce qui m'a déplu ? l'odeur ! un parfum rance à me demander s'il n'était pas périmé ! Non pourtant, et un flacon airless... Vraiment pas un plaisir, et quand on sait l'importance du plaisir à l'utilisation un soin, là c'est 100 % raté. Pas fâchée qu'il soit terminé. Ceci dit, sur le côté lissant, peut-être un tout petit peu mieux avec que sans, mais j'ai fini mon expérience avec cette marque, stop !

 

Et un fond de tube qu'il me restait d'un soin visage calmant à tester pour une marque bio, j'avais fait les 21 jours de test, et laissé le reste un peu de côté, je l'ai achevé. Je ne sais pas s'il est commercialisé depuis, il m'a moyennement plu (en revanche la crème démaquillante était très bien)

Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)Je rachète ou pas ? (les cosmétiques du mois # novembre 2013)

Rendez-vous le mois-prochain pour peut-être des produits plus sympas. Je devrais même réussir à finir du maquillage dites-donc, incroyable :-))

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Prends garde à toi - Fanny Chiarello

25 Novembre 2013, 19:05pm

Publié par Laure

La classe de 5ème B va monter Carmen, le célèbre opéra de Bizet. Les parents réécriront le livret, et les élèves travailleront leur voix en cours de chant. Pour Louise, élève brillante, fille unique choyée par ses parents, c'est tout vu, elle tiendra le rôle titre, celui de Carmen. Mais une nouvelle élève arrivée en début d'année pourrait bien involontairement lui voler la vedette. Louise en est malade et cherche à embobiner son monde.

Louise est un personnage qui se montre détestable au lecteur : hautaine, prétentieuse, capricieuse, certes cultivée (d'une culture surtout lettrée), son mépris permanent de l'autre ne la rend guère aimable. Manon est tout son contraire : issue d'un milieu défavorisé, en grande précarité, elle est la douceur et la gentillesse même, mais tout aussi aimée par sa famille, elle est curieuse de tout en gardant sa simplicité naturelle. Les professeurs ne seront pas dupes et ne répondront pas aux caprices de Louise, qui va en souffrir et manipuler ses parents, mais chacun trouvera sa place.

Ce roman pose la question de la place de la culture : est-elle est réservée à une élite ? A-t-on les mêmes chances d'y accéder quand on est pauvre, mais pas idiot pour autant ? La culture a-t-elle les capacités de rassembler et de gommer les différences ? N'est-ce pas ici l'école qui y réussit (idéalement) ?

 

Une très bonne description du personnage, avec une expression stylistique qui lui correspond parfaitement et si je m'attendais à un enjeu plus poussé autour des deux jeunes filles, le roman reste malgré tout très centré sur Louise et l'expression de sa jalousie.

 

 

À écouter : Carmen revisité par Stromae (2013)

 

"L'amour est comme l'oiseau de twitter
On est bleu de lui seulement pour 48 heures
D'abord on s'affilie, ensuite on se follow
On en devient fêlé, et on finit solo

Prends garde à toi et à tous ceux qui vous like
Les sourires en plastique sont souvent des coups d'htag
Prends garde à toi! Ah les amis, les potes ou les followers?
Vous faites erreur vous avez juste la cote

[Refrain]
Prends garde à toi si tu t'aimes
Garde à moi si je m'aime
Garde à nous garde à eux
Garde à vous et puis chacun pour soi

Et c'est comme ça qu'on s'aime s'aime...
Comme ça consomme somme..."   (© Stromae)

 

 

L'école des loisirs, coll. Medium, mars 2013, 186 pages, prix : 9,50 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Gabriel Gay et l'école des loisirs

 

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Undercurrent – Tetsuya Toyoda

16 Novembre 2013, 17:11pm

Publié par Laure

Traduit du japonais par Thibaud Desbief

 

Undercurrent, c’est un courant, quelque chose de sous-jacent, de sous-entendu, rappelle une définition du Collins en ouverture du livre. Et toute la finesse de ce manga se révèle en effet dans les non-dits, dans ce que perçoit le lecteur sans jamais avoir la garantie que cela se produira.

 

Kanaé dirige seule les bains publics hérités de son père depuis que son mari est parti sans laisser aucun message ou explication. Est-il parti pour quelqu’un d’autre, a-t-il eu un accident, avait-il des ennuis ? Nul ne le sait.

 

Après quelques mois de fermeture pour se remettre du choc, Kanaé rouvre l’établissement avec l’aide de sa tante et d’un employé envoyé par le Syndicat pour les seconder. S’il y a beaucoup de discrétion et de pudeur dans leurs échanges, ne seraient-ils pas attirés l’un par l’autre ? Mais les ragots vont déjà bon train dans la petite ville, point n’est besoin de les nourrir davantage. Avec l’aide d’une amie, Kanaé embauche un curieux détective privé, plutôt excentrique et hors-norme, pour tenter de retrouver son mari, tant il est difficile de rester dans l’ignorance et l’incertitude. Faut-il espérer son retour ou non ? Ce dernier guide sa réflexion dans ce sens : connaissait-elle vraiment son mari ? Connaît-on jamais celui qui vit au plus près de soi ?

 

Même si ce manga est bien antérieur au roman de Thomas B. Reverdy, les évaporés, paru en août dernier, il m’y a souvent fait penser : le roman de Reverdy évoque en effet le cas de ces Japonais qui disparaissent en toute liberté, sans être nécessairement recherchés, et qui peuvent ainsi changer de vie sans rendre de comptes à personne. On les appelle les évaporés, et c’est bien ce qu’est Satoru, le mari envolé.

 

Le manga est riche d’une intrigue qui évolue entre mystère à résoudre, sentiments latents, drames et souvenirs anciens qui rejaillissent, tout en étant parsemé de quelques notes d’humour, rien n’est triste ni sombre dans l’histoire. Mais ce fait sa beauté et sa réussite, c’est avant tout la timidité des sentiments qui transparaissent, ce « undercurrent » du titre. Les rebondissements sont nombreux et ce jusqu’à la dernière page, ainsi ce n’est pas non plus un récit purement intimiste.

 

Une belle lecture due au hasard d’une rencontre avec sa couverture dans une bibliothèque, et d’autant plus amusante que Véro l’a chroniqué sur son blog alors que je venais de l’emprunter la veille, un manga de 2008, on ne peut pas dire que ce soit une nouveauté ultra médiatisée ;-)

 

Éd. Kana, coll. Made in, 299 pages, septembre 2008, prix : 12,70 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © Tetsuya Toyoda et éd. Kana

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Une séparation - Véronique Olmi

2 Novembre 2013, 19:14pm

Publié par Laure

J'ai été surprise de découvrir un nouveau livre de Véronique Olmi début octobre alors que venait de sortir à peine quelques semaines auparavant son dernier roman La nuit en vérité. Il s'agit en réalité d'une réédition d'un texte de théâtre à l'occasion de sa sortie sur scène. La pièce se joue en effet au théâtre des Mathurins jusqu'au 22 décembre (plus d'infos ici : www.theatredesmathurins.com), avec Véronique Olmi elle-même dans le rôle de Marie, et Jean-Philippe Puymartin dans le rôle de Paul, acteur qui signe aussi la mise en scène de la pièce.

 

Si le sujet semble banal et rebattu (la séparation d'un couple), les mots de Véronique Olmi lui offrent une grâce particulière. Le texte prend une forme épistolaire, échange de lettres entre la femme qui quitte et l'homme quitté.

P. 11 : « Je te quitte, Paul. Je me suis levée pour te l'écrire. Je commence cette journée par faire ça. » Point d'adultère ou de nouvel amour secret, juste l'érosion habituelle d'une vie commune :

p. 22 : « Tu demandes la raison de cette rupture, je te la donne, elle tient en un mot : l'ennui. Comment avons-nous pu passer si vite de l'émerveillement à la léthargie à la léthargie ? »

Pourquoi et comment quitter quelqu'un qu'on aime encore ? Paul commence par refuser cette rupture, ce n'est pas son choix. Il répond à Marie. Tous deux poursuivent la correspondance. Les mots sont élégants, l'analyse est fine, le texte est beau et tout un chacun peut s'y retrouver quelque part. Mais en s'écrivant ainsi, ne s'aimeraient-ils pas à nouveau ? Les propos se font à nouveau séducteurs et amoureux, en quête d'un nouvel espoir, l'amour pas tout à fait mort se frayant son chemin dans la nostalgie douce. La fin, superbe et mystérieuse, triste peut-être, laisse le lecteur pourtant dans un cocon de douceur : ce texte est beau, tout simplement.

 

(et j'aimerais le voir joué, mais je ne suis pas parisienne!)

 

Albin Michel, octobre 2013, 70 pages, prix : 10 €

Etoiles :

Crédit photo couverture : © éd. Albin Michel

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